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oriibu (chroniques anachroniques sur le Japon)
18 juillet 2011

Harakiri



 3333297961295 Harakiri, film de Masaki KOBAYASHI, est très certainement un des plus beaux chef-d’œuvre du cinéma japonais, en tout cas pour tous ceux qui apprécient les films de « samuraï ».

 

Bon, ce n’est pas une nouveauté, puisque tourné en 1962 il obtint le Prix Spécial du Jury au festival de Cannes 1963 ! Et c’est justement parce que j’ai entendu qu’un remake de ce film a été projeté au festival de Cannes 2011 que j’ai (à nouveau) visionné ce film magnifique.

 

Le vrai titre du film est seppuku切 腹 , coupure au ventre), terme plus approprié pour désigner le rituel de suicide par éventration qui eût cours au Japon du 12ème siècle jusqu’à la fin du 19ème siècle.

Le film retrace un terrible drame qui se déroule au 17ème siècle, en pleine « paix » des Tokugawa, les terribles shogun qui imposèrent la paix au Japon d’une main de fer…

 

 

Un samuraï n’a qu’une parole !

 

Motome, jeune ronin (samuraï sans maître) se présente devant la demeure du seigneur local, demandant à l’intendant du clan Li d’arranger la cérémonie du seppuku qu’il a l’intention de se faire, choisissant la mort plutôt que la vie dans le déshonneur et la pauvreté.

 

 

 

On comprend vite que Motome ne cherche pas à se faire seppuku, mais qu’il recherche plutôt à gagner de l’argent ou se faire « embaucher » par le clan du seigneur en raison de son courage supposé. Mais l’intendant du clan prend le jeune samuraï au pied de la lettre : « Un samuraï n’a qu’une parole ! ». Motome panique mais ne peut faire marche arrière.

 PDVD_004

 

 

Il est pris au piège de sa supercherie… et les dignitaires du clan Li sont également pris au piège de leur intransigeance : même quand ils découvrent que le samuraï ne possède en fait que des sabres dont les lames sont en bambou, ils le laissent faire la cérémonie d’éventration avec son kodachi (sabre court) en bambou… Scène terrible, à ne pas laisser voir par des âmes sensibles… car même si on n’est pas dans un film trash, la tension est palpable et on ne peut rester de glace devant ce spectacle horrible !

 Kobayashi-Harakiri11

 

 

Jusque là, le spectateur du film a un sentiment qui oscille entre l’horreur du seppuku effectué avec un bout de bambou… et le sentiment que le clan Li a finalement bien fait de respecter à la lettre le bushido (la voie du guerrier, code d’honneur des samuraï) pour éviter  que d’autres ronin (samuraï sans maîtres) ne montent ce genre de stratagème dévoyant le système et mettant en danger son fragile équilibre, dans le seul but de gagner de l’argent.

 

La clé du film est sans doute là… Le bushido existe et permet de donner des règles aux guerriers en cette longue période de paix imposée,  mais son application trop stricte, sans état d’âme ou compassion, amène à des situations aberrantes et injustes… paradoxalement tout à fait opposées à l’esprit même du bushido.

 

Celui qui va démontrer cela au clan Li s’appelle Tsugomo… Un beau jour, il se présente au château et sollicite à son tour l’honneur de se faire seppuku devant le seigneur du clan Li

 

harakiri-espace 

 

Au jeune Motome, naïf, sans expérience et n’ayant probablement jamais sorti son sabre dans un véritable combat, succède Tsugomo… un sabreur visiblement expérimenté et cachant un secret mystérieux. Le malaise est tout de suite palpable dans le clan Li, mais la cérémonie du seppuku est  organisée. Petit à petit, Tsugomo va faire monter la pression dans le clan qui s’apercevra que ces trois meilleurs sabreurs sont étrangement absents… Un vent de panique atteint le clan Li qui a alors la tentation de massacrer le ronin impudent, mais celui-ci prend des gardes telles qu’il fait comprendre aux attaquants qu’il y aura beaucoup de morts avant qu’il ne soit abattu…

 

 

 

notre bonheur n’était qu’un château de sable,

 nous étions à la merci des vents

 

Alors Tsugomo raconte son histoire… et petit à petit on comprend qu’il est venu venger la mémoire de Motome… Le jeune ronin était à la fois le fils de son vieil ami samuraï et l’époux de sa fille Miho.

Flash-back sur ces temps heureux, fleurs de cerisiers et rires !

Mais « notre bonheur n’était qu’un château de sable, nous étions à la merci des vents ». Le clan auquel appartient Tsugomo est dissous, et la famille devient une famille de ronin : samuraï sans maîtres et sans ressources.

L’arrivée d’un enfant dans le jeune couple est à la fois source de joie et de misère encore plus grande…

Mais Tsugomo refuse de voir la réalité de cette déchéance, et ce n’est que lorsque sa fille crache le sang et que son gendre revient mort du château du clan Li, éventré par un sabre en bambou qu’il réalise l’étendue du désastre… Son fils adoptif et gendre avait vendu ses sabres pour soigner sa femme et son fils… et il a préféré se suicider avec un bout de bambou plutôt que de perdre l’honneur.

 

« Le cœur d’un homme est un abyme de mystères »…

 

Tsugomo ne demande qu’un mot de regret de la part des dignitaires du clan Li, mais rien ne viendra.

Lui, le vrai samuraï nous dit que l’application aveugle des règles du bushido ne conduit qu’à des situations destructrices et désastreuses. Un peu d’humanité, de souplesse ou de compassion devrait éviter des drames tels que la mort par éventration au bambou d’un  samuraï, jeune père qui, après avoir vendu ses sabres d’acier pour faire vivre sa famille, recherche un autre moyen de survie.

 

 

Seule l’expérience des champs de bataille

vous apprend qu’une lame peut en briser une autre

 

 hara

Tsugomo vient donc venger Motome. Il a déjà humilié en combat individuels les trois meilleurs sabreurs du clan Li, ceux-là même qui ont laissé son gendre s’éventrer alors qu’ils avaient le niveau et le pouvoir d’arrêter ce massacre, d’un seul mot.

Il ne les a pas tué, mais a juste coupé leur chignon, symbole indispensable de leur qualité de samuraï , et déshonneur total du clan Li!

 

harakiri (2) 

 

Le clan Li va alors jeté toutes ses forces contre Tsugomo qui se défendra comme un tigre contre les sabreurs. Combats de sabres où les kendoka et autres pratiquants d’arts martiaux pourront admirer le zanshin (vigilance), le seme (menace), le maaï (distance), le sutemi (attaque en un seul coup, quitte à sacrifier sa propre vie)…

 

Finalement, Tsugomo choisira de se faire seppuku avec son sabre long, plutôt que d’être abattu par les armes à feu des mousquetaires du clan Li

 

 

Ce film ne peut que toucher tous ceux qui s’intéressent à l’esprit japonais, à l’histoire du Japon et à tout ce qui a fondé la philosophie et le mode de pensée de son peuple.

 

C’est juste une histoire, mais c’est une de ces histoires qui nous montre que ce pays imprégné de règles et d’ « étiquette » n’en n’a pas moins toujours gardé un esprit critique qui lui a permit d’évoluer et de s’adapter.

 

Kobayashi critique dans ce film l’intransigeance, le manque de souplesse et d ‘adaptabilité. En racontant une histoire du 17ème siècle, il parle en fait de la société japonaise contemporaine au tournage du film, le Japon des années 60, mais son message est bien sûr intemporel… et va bien au delà des frontières du pays du Soleil Levant. Une bonne leçon à méditer, quelle que soit sa culture !

 

Pour les kendoka et iaïdoka, ce film a une saveur particulière et devrait également les faire réfléchir quant à leur pratique du sabre japonais… une arme redoutable chargée d’une âme toute particulière…

 

Un remake de ce film a été réalisé et projeté à Cannes en 2011 ? J’attends avec impatience d’avoir la chance de pouvoir aller le voir au cinéma (mais faut-il aller à Paris pour avoir la chance de le voir ??) (message subliminal !).

 

Comme disait Myamoto Musashi, réfléchissez-y bien…

 

le 18 juillet 2011,

 

Oriibu

(article paru dans http://ohoui.info ) 

Titre : Harakiri

Titre original : Seppuku
Réalisateur : Masaki Kobayashi
Acteurs : Tatsuya Nakadai, Rentaro Mikuni, Shima Iwashita
 Genre : Drame ;  Durée : 2h 15min ; Année de production : 1962

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Bio bio d'Oriibu

Né au Japon en 1599 et mort en 1664, on ne sait pas grand-chose de la vie d’Oriibu, si ce n’est qu’il aimait les fleurs de cerisier et la soupe miso. Réincarné en Français au 20ème siècle, il regarda dès son plus jeune âge vers le pays du Soleil Levant, la fenêtre de sa chambre étant orientée plein Est.

Son livre de chevet est le 五輪書 de Miyamoto Musashi, qu’il a bien connu, mais il n’a toujours pas compris le titre. 

Altruiste, il pratique le kendo car il est persuadé que c’est bon pour la Paix dans le Monde, et il trouve que c’est très jus de raisin de se battre avec des copains pour gagner du terrain. Il pratique aussi la méditation, car il aime ne penser à rien.

Il adore les sushis.

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La seule photo connue d’Oriibu, à Kumamoto vers 1638 (?)


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