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oriibu (chroniques anachroniques sur le Japon)
8 mai 2012

Sur les traces de Miyamoto Musashi, 1ère partie: Ichijoji

« A l'âge de vingt et un ans, je me suis rendu à Kyoto et y ai rencontré les meilleurs sabreurs du Japon. Je les ai rencontré plusieurs fois en duel sans jamais être vaincu par aucun d'entre eux. »

Ainsi s’exprime Miyamoto Musashi dans le Go Rin No Sho (Traité des 5 roues) en évoquant ses combats contre les samuraï du clan Yoshioka, maîtres d’armes de la famille shôgunale Ashikaga qui détint le pouvoir de 1338 à 1573.

Cet épisode de la vie du célèbre samuraï-philosophe est repris dans le livre « la Pierre et le Sabre » de Eiji Yoshikawa ainsi que dans la trilogie cinématographique « Samouraï » réalisée par Hiroshi Inagaki, dans le deuxième volet intitulé « duel à Ichijoji ». Dans le film comme dans le livre, l’histoire est modifiée et romancée, mais elle est belle et bien basée sur des faits réels, qui se sont déroulés il y a 400 ans, près de Kyoto.

Miyamoto Musashi reste une référence historique et philosophique pour les japonais, et son livre Go Rin No Sho, écrit à l’aube de sa vie est un texte de référence pour les japonais qui y voient, au travers de l’image du combat au sabre, un traité sur la façon de mener sa vie ou ses affaires.

 
traité-5-rouesCe livre est sur ma table de chevet depuis près de 30 ans… Je ne prétends pas le lire tous les soirs, et encore moins en saisir toutes les subtilités. Il est là, près de mon lit, et même si je ne l’ouvre pas pendant plusieurs mois, je le vois tous les jours avec sa couverture jaune et noire (Traité des Cinq Roues, Miyamoto Musashi, collection Spiritualités vivantes, édition Albin Michel, dépôt légal juillet 1983). A chaque fois que je l’ouvre, au hasard d’une page, il me semble le lire pour la première fois, malgré les passages soulignés ou les notes en marges… 

Par exemple, au hasard, j’ouvre la page 89 et tombe sur le paragraphe « adhérez bien » du chapitre « eau ». Musashi explique comment faire adhérer son sabre à celui de l’adversaire, avec l’intention de ne plus l’en détacher. Et il précise « l’adhérence est forte tandis que l’enchevêtrement est faible, il faut bien les distinguer ». Une leçon de vie.

Alors, que l’on ouvre une page au hasard ou que l’on entreprenne de le relire de A à Z (ou plutôt du 1er au 5ème élément : Terre, Eau, Feu, Vent, Vide…) ce livre reste plein de mystères et d’enseignements à chaque fois renouvelés.

 

Donc, lors de mon premier voyage à Kyoto, en 2009, j’avais évidemment projeté d’aller visiter le temple Ichijo en priorité !

 

 

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Au Nord-Est de Kyoto, en descendant du bus, à la station Ichijoji Sagarimatsu-Do, un panneau indique la direction du temple. Ce panneau n’est pas écrit en romanji (lettres romaines), alors pour celui qui ne comprend pas le japonais, il ne reste qu’à demander sa route ou avoir un bon plan ! Un peu plus loin, après avoir remonté  une ruelle, on arrive à un carrefour où ce coup-ci le panneau est plus clair même pour quelqu’un qui ne lit pas les kanji, grâce au dessin d’un samuraï utilisant 2 sabres… Ca y est, on y est !

En effet, c’est ici-même, dans ce lieu aujourd’hui urbanisé que se tenait il y a 400 ans Sagarimatsu, le grand pin qui dominait une colline alors boisée, derrière lequel se cacha Musashi pour surprendre le clan Yoshioka. C’est à ce carrefour que Miyamoto Musashi rencontra pour la troisième et dernière fois la famille Yoshioka, tuant Matashichiro et un bon nombre d’escrimeurs de cette école de sabre réputée. Des stèles commémorent le lieu exact de cet événement tragique.

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Il convient ici de rappeler la véritable histoire de Miyamoto Musashi contre le clan Yoshioka.

 Duels de Miamoto Musachi contre les Yoshioka

 Le 1er duel :

Quelques jours auparavant, Musashi avait provoqué en duel Yoshioka Seijūrō, le maître de la très réputée école de sabre Yoshioka.

La rencontre eut lieu le 8 mars 1604  dans un champ près de Rendaiji, au Nord de Kyoto. Musashi arriva très en retard au rendez-vous, et armé d’un simple bokken alors que Seijuro avait un katana, il frappa le premier et cassa l’épaule droite de Seijuro, le rendant incapable de répliquer. Déshonoré, Seijuro fut ramené chez lui par ses disciples. Humilié, il se retira de la pratique du sabre, rasa son chignon de Samurai et transmit le rôle de maître de l’école de sabre à son jeune frère, Yoshioka Denshichirō.

 

Le 2ème duel :

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Photos: le temple Sanjūsangen-dō (Kyoto) où eut lieu le 2ème duel de Musashi contre le clan Yoshioka (photos décembre 2011)

Denshichirō, furieux,  provoqua aussitôt Musashi en duel, et la rencontre eut lieu au temple Sanjūsangen-dō, à Kyoto. Musashi arriva encore très en retard au rendez-vous, rendant fou furieux son adversaire. Musashi, toujours armé d’un bokken, le désarma rapidement et le tua d’un coup violent sur le crâne. Les Yoshioka furent stupéfaits… leur clan avait maintenant pour maître Yoshioka Matashichiro, le jeune fils de Seijuro, à peine âgé de 12 ans…

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Le 3ème duel :

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Photos: le temple Ichijoji (Kyoto) où eut lieu le 3ème duel de Musashi contre le clan Yoshioka (photos Avril 2009 et Avril 2010)

Pour le clan, c’était maintenant une question de survie et ils provoquèrent Musashi dans un 3ème duel, prêts à tout pour l’anéantir et restaurer l’honneur des Yoshioka. Ce duel aurait lieu au temple Ichijo, au pied du grand pin Sagarimatsu.

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Le jour dit, le jeune Matashichiro se présenta donc au lieu du duel entouré de dizaines de samuraï, armés de sabres, de lances et d’arcs, et peut-être même de mousquets.  Les Yoshioka étaient persuadés que Musashi arriverait largement en retard, comme à son habitude, et n’avaient pas l’intention de se laisser déstabiliser par cette tactique maintenant connue. Ils arrivèrent donc sous les pins d’ichijoji particulièrement détendus et confiants dans leur victoire, prêts à se mettre en position de défense, n’ayant aucunement l’intention de laisser Musashi s’approcher de leur maître. 

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Photos: le tronc du pin Sagarimatsu derrière lequel s'est caché Miyamoto Musashi est précieusement conservé dans un sanctuaire shinto (photos Avril 2009)

Mais ils étaient à peine arrivés près du grand pin qu’ils entendirent une voie crier « je vous ai attendus » . C’était Miyamoto Musashi qui fonça sur eux et trancha la tête du jeune Matashichiro avant qu’aucun de ces compagnons n’ait pu dégainer son sabre. Les samuraï du clan Yoshioka, revenant de leur surprise et atterrés par la mort du dernier maître de leur clan, passèrent à la contre-offensive. Une flèche traversa la manche de Musashi, mais il ne fut pas blessé et il utilisa ses deux sabres pour foncer sur ses adversaires et les pourfendre un à un… Paniqués, sans plus de chef et face à ce démon, les samuraï s’éparpillèrent.

C’en était fini de l’école de sabre Yoshioka

 

Même si au premier abord ce combat semble particulièrement brutal et quelque peu immoral, il faut le replacer dans le contexte de l’époque, et comprendre qu’il est d’une importance capitale dans la technique et la philosophie que développera plus tard Musashi.

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Photos: une statue de Miyamoto Musashi rend hommage à l'illustre samurai depuis 2002 (photos Avril 2009 et Avril 2010)

Tout d’abord, il semble que c’est la première fois que Musashi utilisa ces 2 sabres à la fois, afin de faire face à la multitude des adversaires venant de tous côtés. Comme on le sait, il créera plus tard l’école des 2 sabres, Nitto Ryu. De plus, on voit que Musashi avait déjà un grand sens tactique, sachant varier celle-ci pour étonner, surprendre, troubler et battre l’ennemi : arriver en retard pour l’énerver ou au contraire arriver en avance pour le surprendre !

 

Mais surtout, juste avant le combat, un événement marquera à jamais la philosophie de Miyamoto Musashi.

 

Il faut vénérer les buddhas et divinités, mais ne pas compter sur eux

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Alors qu’il s’approchait d’Ichijoji, à la sortie de Kyoto, le samurai aperçut un sanctuaire et s’en approcha pour prier. Alors qu’il allait tirer le cordon permettant de faire sonner la cloche et d’attirer les kami (dieux) pour qu’ils entendent sa prière, une grande honte s’empara de lui et il se mit à transpirer… Comment, lui qui ne croyait ni en Buddha ni autres divinités se mettait tout à coup, face au danger, à les vénérer ? Comment les divinités allaient-elles prendre cela ? Il s’éloigna en courant du temple et alla sur le lieu du combat se cacher sous les pins avant l’arrivée des Yoshioka.

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Ainsi naquit le précepte développé par Miyamoto Musashi, pierre angulaire de toute sa philosophie : « Il faut vénérer les buddhas et divinités, mais ne pas compter sur eux ». Là aussi, cette maxime va bien au-delà du simple combat au sabre et peut s’appliquer à tous les aspects de la vie !

Aujourd’hui, un hommage appuyé est rendu à Miyamoto Musashi à Ichijoji, avec une statue à son effigie datant de 2002.

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Le temple est certainement différent de celui qu’a connu Miyamoto Musashi, mais l’ambiance qui règne en ces lieux est magique, tant l’impression d’être soudain si proche du samurai-philosophe est forte ! Quelle force étrange se dégage de ce temple et de a nature qui l’entoure… Quelle étrange et agréable sensation de connaître cet endroit, d’y être déjà venu !

 Après cette visite d'Ichijoji, il est indispensable de se rendre au Shisendo, temple zen voisin, pour admirer les lieux et méditer sur la beauté de la nature et sur l'enseignement de Miyamoto Musashi!

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le 8 mai 2012,

Oriibu

(2ème partie à suivre: Miyamoto Musashi contre Kojiro Sasaki)

 (photos (c) oriibu 2009, 2010, 2011)

 

 

 

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Commentaires
B
Dear Mr /MS<br /> <br /> February, 12, 2016.<br /> <br /> <br /> <br /> My name is Branka Aničić I am professor at the University of Zagreb, Faculty of Agriculture, and School of landscape architecture. As a professor a have to wright a student’s texts book and I am in the process to finishing this book under the title “Garden in individual residential architecture - elements of the compositional structure of the historic garden”. In accordance with that I would like to ask you kindly for the permission to use your images posted on internet: Shisen-do, photo 29, jap2009 827 <br /> <br /> http://oriibu.canalblog.com/archives/2012/05/08/24211379.html<br /> <br /> Theas images are an excellent and clear presentation of some of my idea and concept that I would like to stress in this students text book. Of course it would be cited properly.<br /> <br /> Yousrs sincerely<br /> <br /> Branka Aničić<br /> <br /> <br /> <br /> -- <br /> <br /> Prof.dr.sc. Branka Aničić<br /> <br /> Head of School of Landscape architecture<br /> <br /> University of Zagreb, Faculty if Agriculture <br /> <br /> Svetošimunska cesta 25<br /> <br /> tel. 1. 239 3792<br /> <br /> faks. 1 239 3873
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oriibu (chroniques anachroniques sur le Japon)
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Bio bio d'Oriibu

Né au Japon en 1599 et mort en 1664, on ne sait pas grand-chose de la vie d’Oriibu, si ce n’est qu’il aimait les fleurs de cerisier et la soupe miso. Réincarné en Français au 20ème siècle, il regarda dès son plus jeune âge vers le pays du Soleil Levant, la fenêtre de sa chambre étant orientée plein Est.

Son livre de chevet est le 五輪書 de Miyamoto Musashi, qu’il a bien connu, mais il n’a toujours pas compris le titre. 

Altruiste, il pratique le kendo car il est persuadé que c’est bon pour la Paix dans le Monde, et il trouve que c’est très jus de raisin de se battre avec des copains pour gagner du terrain. Il pratique aussi la méditation, car il aime ne penser à rien.

Il adore les sushis.

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La seule photo connue d’Oriibu, à Kumamoto vers 1638 (?)


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