Voyage au temps des samouraïs (expo du Musée du Quai Branly)
Samouraï, armure du guerrier
Voyage au temps des samouraïs
Depuis le 8 novembre 2011 et jusqu’au 29 janvier 2012 le Musée du Quai Branly (Paris) propose une exposition provisoire permettant d’admirer plus de 140 pièces d’armures de samouraï. Ces pièces uniques proviennent d’une collection réunie par Gabriel Barbier-Mueller, collectionneur d’art. Quel beau métier !
Dès le début de l’exposition, le visiteur restera cloué sur place devant la qualité des pièces présentées. Pour les amateurs du Japon, de son histoire, de sa culture ou de son art, c’est un ravissement de voir ces armures authentiques aussi bien conservées ou restaurées. Ces armures vues dans des films tels que « Kagemusha » ou « Le Dernier Samouraï » sont là, devant nos yeux.
Véritables objets d’arts dont la puissance provient sans doute autant du travail des artisans qui les ont créées que des guerriers qui les ont porté il y a plusieurs siècles, lors de parades devant l’empereur ou de combats sanguinaires entre clans rivaux.
Comment a vécu le samouraï qui a porté cette armure ? On ne le sait pas… Peut-être est-il mort transpercé d’une flèche qui a trouvé un passage entre deux lattes de la protection ? Peut-être s’est-il fait seppuku (suicide rituel par éventration) pour ne pas perdre l’honneur au moment ou son clan était écrasé par le camp adverse ? Peut-être a-t-il reçu un de ces coups de mousquet (l’arme qui fit tant de mal à la caste des samouraïs) qui a explosé son masque ? Peut-être est-il est mort lors d’un duel au katana, vêtu d’un simple kimono alors que son armure était proprement rangée sur son socle ? Nul ne le sait, et devant chaque armure chacun est libre de se concentrer et d’imaginer l’histoire qui va avec !
Ca, c’est pour le côté « esprit samouraï », très présent dans cette exposition tant les armures sont variées (toutes époques, du 12ème au 19ème siècle).
Il faut regarder de près ces protections guerrières pour en admirer le côté artistique. J’ai entendu une petite dame dire « ils ne sont vraiment pas beaux ces masques… ils font peur… » Mais oui Madame, ils font peur… et c’est pour ça qu’ils sont beaux !
Oui, ces masques étaient faits pour impressionner l’adversaire, faisant souvent référence à des tengu (sorte de démons) ou simplement monstrueux : faire peur et impressionner l’ennemi était déjà un premier pas vers la victoire !
Et ça a permis aux artistes japonais de démontrer toute l’étendue de leur imagination, puisant dans la culture ancestrale du pays et de sa religion shinto et bouddhiste !
Alliant l’art au pragmatisme, les artisans japonais n’hésitaient pas à prévoir des trous d’évacuation de la sueur, ou des systèmes d’aération du visage !
Les casques étaient aussi l’occasion de démontrer la puissance du samouraï et d’impressionner son adversaire. Il est clair que voir s’approcher certains bushi (combattant) avec des casques ornés de flèches, de croissants de lune ou de cornes de cerf devaient faire peur au guerrier moyen !
Au delà des explications pragmatiques (faire peur à l’adversaire, protéger au mieux l’intégralité du combattant), il est incroyable de voir avec quel soin artistique ces armures ont été créées. Bien sûr, il s’agit là d’armures de samouraïs de haut rang, voire de daimyos (seigneurs)… Les armures de protection des samouraïs de base étaient plus modestes, mais à chaque fois ils y ajoutaient une touche artistique. Oui, il faut regarder en détail ces armures ou apparaissent nettement monstres et dragons, et plus modestement fleurs et papillons…
Entendu aussi de la part d’un visiteur du musée : « la vache… il y en a un qui a une croix gammée… un nazi ! »
Non !! Pas de nazis au Japon féodal !! Ce n’est pas une croix gammée (le sens des branches de la croix sont d’ailleurs contraires), mais le symbole bouddhiste svastika, dont l’histoire serait trop longue à raconter ici mais dont le sens n’a qu’un lointain rapport avec la croix gammée des nazis…
Voici un court extrait de Wikipédia permettant de comprendre le sens de ce symbole :
Au Japon, les deux formes de svastika sont quelquefois associées aux deux composantes de l'illumination : le svastika pointant vers la gauche, en japonais omote manji (svastika externe) ou simplement 卍 (まんじ, manji) représente l'amour et la compassion (associés au bouddha Amitabha), alors que le svastika pointant vers la droite, ura manji (svastika interne) ou gyaku manji (svastika inversé) représente la sagesse et l'énergie associées à Akshobhya.
Ouf ! Rien à voir avec le nazisme qui de toute façon est bien postérieur aux représentations apposées sur ces armures de samouraïs !
Revenons donc à l’art associé à la guerre en admirant ces armures portées par des guerriers épris de l’art du bushido (la voie du guerrier) qui alliaient à la fois l’entraînement au combat sous toutes ses formes (le sabre, mais aussi l’arc, le cheval, le mousquet, la lance) et l’entraînement aux arts (cérémonie du thé, poésie, calligraphie et dessin), faisant d’eux des êtres différents, sans doute incompréhensibles aux occidentaux du 21ème siècle mais dont nous pouvons tirer tant d’enseignements positifs… Ce qui est une autre histoire !
Pensons à ce jeune samouraï sautant le mur du domaine d’un daimyo (seigneur) afin de le tuer pour venger son père, qui s’arrêta dans sa progression plusieurs minutes afin de profiter du chant d’un rossignol… Ce ne fut que lorsque l’oiseau cessa son chant que le samouraï termina sa mission en décapitant l’assassin de son père.
Quel homme s’est caché derrière ce masque ? Un guerrier prêt à tuer et à mourir certainement, mais aussi un poète ou un musicien, un artiste…
Le sabre, symbole ultime du samouraï, avec lequel il peut donner ou ôter la vie… Quand le guerrier range son armure, il conserve toujours sur lui ses deux sabres lui permettant instantanément de tuer ou de se défendre.
Un casque en forme de coquille Saint-Jacques… Rien à voir avec Saint-Jacques de Compostelle, et pourtant… ;)
Chaque détail des masques, casques et armures ont leur importance et sont des œuvres d’art.
Même sous l’armure se cachaient des vêtements aux ornements artistiques représentant le mon (armes) du clan.
En sortant de cette exposition, on comprend un peu mieux ce que pouvait signifier être un guerrier japonais chevauchant un étalon avec une armure chargée de tant de sens et d’histoire.
La voie du samouraï, la voie du sabre…
Le 3 décembre 2011
Oriibu
(photos (c) Oriibu)